Littérature

Ma forêt forteresse

Chaque jour, je foule une parcelle de la terre, comme le font des milliards d’êtres humains. Il existe probablement pour chacun un endroit pour y faire le vide ou le plein, se poser ou se détendre. Certains préfèrent l’agitation de la ville et ses bruits discordants tandis que d’autres resteront claquemurés dans leur appartement, leur maison. En ce qui me concerne, c’est de me retrouver en pleine nature au milieu des arbres. Au fil des ans, j’ai pourtant parcouru des kilomètres en montagne et en forêt montant ou dévalant des sentiers, mais l’endroit qui me donne le plus de bonheur est sans aucun doute la forêt du Bois Beckett située tout près de chez moi. C’est une forêt ancienne et protégée, un lieu qui survit à l’échafaudage d’immeubles à condos et de la prolifération de rues bitumées où une cacophonie de bruits urbains s’y vautre allègrement.

Mais qu’est-ce qu’une forêt ?  Une forêt est un territoire pour la chasse, un espace où des sentiers permettent de s’y promener en sécurité, un lieu parfois sinistre si l’on s’y perd la nuit, mais c’est avant tout un habitat naturel pour que la faune et la flore puissent s’y épanouir.  Pour ma part, c’est aussi un territoire destiné à y faire le plein. En m’y promenant à travers les différents sentiers, je me nourris de l’énergie de la nature, du chant des oiseaux et du feulement du vent dans les arbres. Ce vaste territoire me redonne l’énergie nécessaire pour me retrouver avec moi-même et cela me permet de remettre mes idées en place. Aussitôt que je pose le pied dans cette forêt, je me sens submergée par une paix qui me permet d’y voir plus clair dans mes réflexions, mes pensées. Que ce soit pour trouver une solution à une impasse de ma vie personnelle ou pour me frayer un chemin jusqu’au dénouement d’un texte qui me hante, je ne cherche pas bien loin, il me suffit de parcourir quelques kilomètres dans les sentiers.

Malgré le bruit mugissant des automobiles et le l’activité humaine, la forêt du Bois Beckett fait foi de forteresse. Lorsque j’entre dans ses entrailles, la cohue environnante s’estompe et je peux enfin me retrouver avec moi-même. Il ne suffit que de quelques pas et de quelques bouffées d’odeurs forestières pour que surgissent des mots, des idées; mes pensées se frayent un chemin au rythme de mes pas, se casent pour faire renaître mes réflexions. Ce site donne un second souffle à mes pensées, il me redonne la conviction que j’existe et que le chaos qui assaille souvent mon esprit peut céder la place à l’harmonie. C’est en un sens renaître, se refaire une seconde peau.

La forêt demeure mon territoire de prédilection pour raviver mes pensées, une forteresse pour me préserver du sarcasme de l’étalement urbain. J’ai ce privilège de pouvoir me gaver de cet enchantement à quelques foulées de mon domicile.

Céline Jodoin

1er prix Jacques Allard, 2023
Les Correspondances d'Eastman
https://lescorrespondances.ca/interletter-winner/celine-jodoin-2/

L’écrivain, éditeur et professeur de littérature Étienne Beaulieu  a écrit un essai au sujet du Bois beckett qui s'intitule Splendeur au bois Beckett. Consultez l'hyperlien suivant pour en savoir davantage
https://www.groupenotabene.com/publication/splendeur-au-bois-beckett-0

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